mardi 31 mars 2009

"Il semblerait que l'esprit humain soit trop lent pour comprendre l'universel, trop rapide pour comprendre le particulier et ses propres mécanismes profonds. Par définition, l'homme est stupide. Certes, cette définition est de moi : avoir un cerveau à la fois trop rapide et trop lent, c'est être stupide. Mais la réalité de cette stupidité est flagrante dans notre entourage et en nous-mêmes. George Brecht, chimiste de formation, me fit un jour remarquer : "Chacun d'entre nous, consciamment ou inconsciamment, est son propre chimiste et s'efforce d'augmenter ou de réduire la vitesse de son cerveau." L'alcool, l'amour, les religions, les drogues, la propriété sont des formes bien connues de cette chimie personnelle. L'art est une forme de chimie personnelle élaborée au moyen de l'organisation des loisirs."
Franck Scurti. Conditions de l'artiste à l'ère du McWorld, in Trouble, 2002.

jeudi 19 mars 2009

"Mon visage est mon dehors : un point d'indifférence par rapport à toutes mes propriétés, par rapport à ce qui est propre et à ce qui est commun, à ce qui est intérieur et à ce qui est extérieur. Dans le visage, j'existe avec toutes mes propriétés (brun, grand, pâle, orgueilleux, émotif...), mais sans qu'aucune d'elles m'identifient ou m'appartiennent essentiellement. Il est le seuil de dé-propriation et de dé-identification de tous les modes et de toutes les qualités, dans lequel ceux-ci deviennent purement communicables. Et, seulement là où je trouve un visage, un dehors m'arrive, je rencontre une extériorité.

Soyez seulement votre visage. Allez vers le seuil. Ne restez pas les sujets de vos propriétés ou de vos facultés, ne restez pas en-dessous d'elles, mais allez avec elles, en elles, au-delà d'elles. Vers le seuil, en extase."
Giorgio Agamben. Moyens sans fin, Notes sur la politique. 1995.







J'ai cherché la version vidéo de cet enregistrement magnifique, mais je ne l'ai pas trouvée. Je voulais voir le visage de l'icône que la graisse et l'hébétude avaient déjà marqué en masque de cire redevenir un visage extasié par son rire dévorant.
C'était en 1969. L'année précédente Elvis était revenu à la scène plus époustouflant que jamais. Tout ce qui allait suivre ne serait qu'un immense triomphe qui allait donner à Elvis et à sa psyché métamorphosée par les médicaments l'occasion de devenir un Surhomme (désormais, il entre sur scène au son d'Ainsi Parlait Zarathoustra de Strauss - ce n'est pas une blague) (aussi : il offre un flingue à Nixon en lui demandant de le nommer agent fédéral spécial au bureau des narcotiques ; aussi : il est immortel ; aussi : il pense devoir sauver le monde ou quelque chose comme ça, mais, parfois, Elvis n'existe pas - ce qui complique l'affaire). Alors, pendant que le Velvet Underground balbutiait une contre-culture qui deviendrait bientôt pop, Elvis, en jumpsuit de lumière, figeait dans son corps monstrueux et adulé une autre Amérique, une Amérique folle et toute-puissante, capable de sauver le monde - et de belle manière - de Saïgon à Kaboul.
Elvis, devenu une icône.
Ou bien, Elvis chrysalide ?
J'aime penser que tout se transforme sans cesse, que rien n'est jamais car tout est mouvement.
Ce n'est pas seulement parce qu'il est aussi devenu bien gros que Daniel Johnston fait indéniablement penser à Elvis Presley. Comme lui, il est un consommateur impénitent des drogues de nos pharmacies milliardaires. Comme lui, des voix, des présences, l'attirent vers une position messianique trop grande pour lui, mais idéalement taillée pour leur pays. Aussi, le Captain America, si cher à Johnston, porte un aussi joli costume que ceux d'Elvis. Et puis, ensemble, ils chantent le blues.






Quand je regarde cette vidéo, je pense que Johnston applique à la lettre les exhortations d'Agamben citées plus haut. C'est assez saisissant, presque effrayant.

mardi 17 mars 2009


Comme finalement, ce qui compte jamais n'est pas la mort ("la mort ? la mort connais pas" disait W* à-propos), mais bien ce qui m'en sépare et ce qui m'y lie, nous avons pris des médicaments.
Comme nous trouvions que les morts peuplaient sans vergogne le monde des vivants et aimaient à se nourrir là, nous avons pris des médicaments.
Comme aussi nous comprenions les peurs, les paralysies, les rejets - tous déviances infectées par leur propre issue : la peur de mourir - nous avons fait quoi ? nous avons pris des médicaments.
Nous pataugions sans cesse et l'on se noyait parfois : notre devenir-mort crispé.
J'ai écouté de la musique.
Il eût fallu une épée pour se battre, un chemin pour courir, une toile à peindre ; las, nous étions démunis. Toujours : les mains liées dans le dos, les pensées hébétées par tous ces médicaments.

Puis, j'ai été la feuille morte dans le vent, la larme d'une étoile, le repas de mes enfants.


Jeux de vidéos part one.




Que nos amis s'amusent, nous voyons chez eux une connivence avec notre défaite face à la mort - et nous les félicitons, nous rions avec eux. Leur devenir-mort est là pleinement effectif, mais, regardez-les, ils rigolent.
C'est tout le sens de nos chansons et de nos amours et de nos jeux dans les bois. Les masques effrayants sont là, mais ils sont tordus par nos sourires. Nos pitreries sont des baumes et nous vivons ainsi. Nous luttons et gagnons ainsi. Ce ne sont pas des instants sauvés d'une vie maussade vouée à la mort, ce sont des mondes sauvés éternels. Qu'importe si je ne m'en souviens guère après la descente de psychotropes, la porte a été ouverte (comme dirait le poète). J'ai choisi cette vidéo parce qu'elle est un puissant mantra vers ces mondes parallèles et parce qu'elle n'a été (peut-être) étrangement vu qu'une cinquantaine de fois sur Youtube.

Alors, on connaîtra la suite et le devenir-mort qui se fige et transforme ce qu'il touche en zombie avalant des pizzas par centaines. On pourra se plaindre et regretter; nous aurons vu un instant une joie victorieuse de tout temps.

vendredi 13 mars 2009

Et toi, que deviens-tu ?

J'ai rencontré Bertrand Betsch il y a quelques années.
C'était un concert au Nouveau Casino et il m'avait paru entrant sur scène comme un bûcheron immense. Sa voix ensuite s'était élevé au-dessus de ce corps et nous avait fait pleurer.
Une autre fois, nous avons discuté autour d'un thé, chez moi, et enregistré une belle émission de radio. Il y avait aussi mon ami Nicolas Cusnier. Je me rappelle que nous avons parlé de Manset et de Cohen. C'était un moment très serein.
Je l'ai revu un peu plus tard. Il donnait un concert au Point FMR ; il semblait fatigué, quelque chose proche d'un débordement - on eût dit un mauvais dosage de pills. C'était un peu triste et magique : il rappelait encore la vie.
J'adore ce mec et son travail.


jeudi 12 mars 2009

Après j'arrête.

J'arrête. Une soupe de lentilles corail (c'est comme ça qu'on l'écrit ?), puis Dexter à la téloche (va comprendre...).
J'arrête de courir partout, de grimper et redescendre à fond.



Pascal d'Huez, un héros moderne.

mardi 10 mars 2009

Pascal d'Huez, l'ami des champions, convalescent, un brin nostalgique.
Lumineux.

jeudi 5 mars 2009

Garder le silence.

"Les plus grands événements
— ce ne sont pas nos heures les plus bruyantes,
mais nos heures les plus silencieuses.
Ce n’est pas autour des inventeurs de fracas nouveaux,
c’est autour des inventeurs de valeurs nouvelles que gravite le monde :
Il gravite inaudiblement."

F. Nietzsche, 'Des Savants', Ainsi Parlait Zarathoustra.


"Tandis que toutes choses gardaient un profond silence, et que la nuit atteignait, dans sa course, le milieu de sa route, ta Parole toute-puissante, Seigneur, s’élança de son trône royal"

Antienne des vêpres du dimanche dans l'octave de la Nativité.



Profond silence des commencements et des grands événements. En une étonnante complicité, la parole de la liturgie et la parole de Nietzsche s’inscrivent en faux contre l’illusion qui illustre si bien le désarroi de ceux qui habitent « le pays de la civilisation » (cf. Nietzsche). Le bruit est tellement devenu la mesure de ce qui compte à nos yeux que le « profond silence » est devenu pour nous, comme nous le disons si spontanément, « un silence de mort ». Alors qu’il était, pour Nietzsche et pour l’orant de la liturgie, l’espace même de la vie.

mercredi 4 mars 2009

« La musique, ce ne sont pas des notes et des notes, mais c'est LA note... Billie Holiday choisit toujours la Note, la seule qu'il fallait, celle qu'on sait qu'elle va trouver mais qu'on serait incapable de prévoir une seconde avant. Le choix des notes chez Billie appartient au mystère du Goût. Ça ne se discute pas. Ce sont tous les mauvais goûts qui sont dans la nature. Le goût, le bon (pas le bon goût), n'est pas naturel, il est caché, occulte, ésotérique, invisible : il répond aux puissances... »

M.-É. Nabe, L'âme de Billie Holiday.

"Il en va tout autrement du beau. Il serait (tout juste à l'inverse) ridicule que quelqu'un, s'imaginant avoir du goût, songe en faire la preuve en déclarant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le vêtement que porte celui-ci, le concert que nous entendons, le poème que l'on soumet à notre appréciation) est beau pour moi. Car il ne doit pas appeler beau, ce qui ne plaît qu'à lui. Beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme ou de l'agrément; personne ne s'en soucie; toutefois lorsqu'il dit qu'une chose est belle, il attribue aux autres la même satisfaction; il ne juge pas seulement pour lui, mais aussi pour autrui et parle alors de la beauté comme si elle était une propriété des choses. C'est pourquoi il dit : la chose est belle et dans son jugement exprimant sa satisfaction, il exige l'adhésion des autres, loin de compter sur leur adhésion, parce qu'il a constaté maintes fois que leur jugement s'accordait avec le sien. Il les blâme s'ils jugent autrement et leur dénie un goût, qu'ils devraient cependant posséder d'après ses exigences; et ainsi on ne peut dire : "À chacun son goût". Cela reviendrait à dire : le goût n'existe pas, il n'existe pas de jugement esthétique qui pourrait légitimement prétendre à l'assentiment de tous."

Kant, Critique de la faculté de juger, § 7

mardi 3 mars 2009

Crasse crise 3

Chronographe Blancpain Léman Flyback sur Fou Furieux.

Je voudrais parfois ma Rolex d'avant cinquante ans et, d'autres fois, aller à l'opéra. Ma femme passerait une heure dans le dressing, robes et souliers, sautoir, parfum ; je siroterais le vieux vin. J'aimerais parfois, quand mon coeur plein de doutes se demande où nous dormirons quand il fera nuit, j'aimerais alors sûrement être à l'aise.


Otis Baer, mon ami.

lundi 2 mars 2009







Comme chacun sait, mon ami Wilfried est un génie.

Aimer le monde, mais le dire, a dit le poète.

Tu vas donc sur www.rosab.net, à l'entrée J comme Johnston, Daniel et tu lis et tu cries au génie.